On appelle rythme ultradien un rythme
biologique qui a une périodicité inférieure à vingt-quatre heures. Rossi a
remarqué qu’il y avait une période de vingt minutes toutes les trois heures
particulièrement propice pour entrer dans un état profond de conscience. Il ne
s’agit pas d’un rythme de quatre-vingt-dix minutes comme pendant le sommeil,
mais de cent quatre-vingt minutes environ[1].
Les cinq offices de la prière monastique, les cinq prières quotidiennes des
musulmans suivent ce rythme.
Une série d’observations originales
faites dans un ashram au Bihâr (Inde) a retrouvé cette périodicité de trois
heures surtout avant l’aube et l’après midi[2]
Elle est liée à l’alternance de
l’ouverture des narines, fait connu depuis des millénaires par les yogis et
depuis un siècle environ par les médecins. Wilhelm Fliess, l’ORL de Berlin qui
fut pendant plusieurs années l’ami le plus proche de Freud, avait une théorie à
ce sujet, en liaison avec la sexualité. Ce qui a été découvert récemment
seulement, au début des années 80, est le lien entre l’ouverture d’une narine
et la stimulation de l’hémisphère controlatéral : ainsi quand la narine
gauche est ouverte, l’hémisphère droit est dominant, cela signifiant qu’on aura
une meilleure capacité pour les tâches requérant intuition, sensibilité et
réceptivité ; par contre, si la narine droite est ouverte, le côté
masculin dans la tradition indienne, l’hémisphère gauche sera stimulé et l’on
sera plus d’humeur à agir et à analyser.
La dominance hémisphérique doit être
inversée chez le gaucher. L’intérêt de cette science des latéralités, qu’on
appelle svara yoga, est de savoir à
volonté et de façon simple quel hémisphère se trouve stimulé à un moment
donné : pour cela, il suffit de constater quelle narine est ouverte, par
exemple en bouchant une narine et en expirant vigoureusement, puis en comparant
avec l’autre narine ; ou en inspirant par un côté en fermant l’autre avec
le doigt et en écoutant la différence de son. On peut aussi changer le côté de
la stimulation hémisphérique : si la narine gauche est fermée, en se
couchant sur la droite ou en se massant fortement l’aisselle droite, on peu
l’ouvrir, et ainsi stimuler l’hémisphère droit ; chez des sujets
entraînés, il est certainement possible d’avoir le même résultat par
concentration directe sur la moitié droite du corps. Notons que prendre un bain
a souvent l’effet d’inverser la latéralité stimulée.
On a beaucoup dit que la méditation
stimulait l’hémisphère droit. Dans une revue d’une petite centaine d’études sur
le sujet, Earle[3]
n’est pas si formel : certes, dans les premières minutes de méditation, il
y a une stimulation de l’hémisphère non dominant (le droit chez le droitier)
correspondant à l’inhibition de la verbalisation et à un afflux d’images
mentales, ainsi qu’à un éveil de l’attention (lié au cortex postérieur droit). Ensuite,
on remarque une similarité, une synchronisation entre les deux hémisphères. En
corrélant le vécu des méditants avec l’EEG (électroencéphalogramme), on peut
supposer que les « expériences de sommet » correspondent à une
inhibition corticale des deux côtés, une sorte de trace EEG de la non-pensée…
En France, Pierre Etévenon a travaillé sur le rapport de l’EEG et du Yoga[4].
Sans entrer ici dans le détail des
rythmes hormonaux en rapport avec la conscience, je me contenterai de
mentionner un seul fait qui me semble avoir des conséquences concrètes : la
cholécystokinine est sécrétée pendant la digestion et stimule la mémoire. La
raison évolutive en est sans doute que l’animal avait intérêt à bien se
souvenir de toutes les circonstances qui l’avaient amené à trouver de la
nourriture. Sachant cela, je pense que l’habitude de regarder la télévision
pendant les repas n’est pas saine, car toute la négativité ou l’incohérence du
monde qui se déverse par la « gargouille » du petit écran est
mémorisée comme quelque chose de personnellement très précieux, ce qui n’est
pas vraiment le cas. A l’inverse, les moines qui ont à longueur d’année des
lectures sur des sujets signifiants disent qu’ils s’en souviennent très bien
longtemps après : ils associent la nourriture pour le corps à celle de
l’esprit. Il y a la solution d’être complètement présent pendant tout le repas,
mais c’est beaucoup moins facile qu’il y paraît.
« Soigner son âme – méditation et psychologie » Jacques Vigne – Editions :
Albin Michel
[1]
« Psychobiologie de la guérison. Influence de l’esprit sur le corps »
- E.L. Rossi - Editions : Epi-DDB - 1994 - p.404
[2] « Swara Yoga » - Swami
Muktibodhananda – Bihar School of Yoga, Munger, Bihar, Inde – 1984 – p.101
[3] « Cerebral laterality and
meditation : A review of literature” - J.-B. Earle – The Journal of Transpersonal
Psychology – 1981, 13 – 2 – pp. 155 - 173
[4]
« Lhomme éveillé. Paradoxes du sommeil et du rêve » - Pierre ETEVENON
– Editions : Tchou – 1990